Que pensez-vous de Victoria Montou?
Je pense que Vitoria Montou (TOYA) est l’une des plus grandes figures historiques du leadership féminin de l’histoire d’Haïti. Elle est pour moi celle qui s’est intéressée non seulement au combat mais qui a été hantée par l’idée de liberté avec une obsession avérée de transmission de son savoir en la matière. C'est-à-dire qu'elle était inspirée d’une volonté manifeste d’initier d’autres esclaves dont Dessalines à ses stratégies de guerrière. C’était une femme forte et une combattante optimiste qui avait une vision claire de la manière d’obtenir la liberté : par la « révolte » à travers le combat ! Cette vision s’est opérationnalisée pas des prises d’initiatives concrètes dans les habitations où elle était placée, dont celle de « Duclos ». Ce qui fait qu’elle restera dans l’histoire d’Haïti, le modèle de femme intrépide remettant en question déjà à son époque les stéréotypes et clichés sur les capacités des femmes à affronter et investir les espaces difficiles ou dangereux.
Pourquoi avoir donné le nom de Toya à la fondation ?
Utiliser le nom de Victoria Montou, dit « TOYA », pour nommer cette structure féministe ciblant les filles et les jeunes femmes qu’est Fondation TOYA est un travail de mémoire. Ce choix est d’abord pour présenter aux filles et aux jeunes femmes un modèle de leadership féminin haïtien capable de les inspirer à développer et utiliser leur potentiel de leaders et à s’engager à travailler à leur développement personnel et à celui de leur communauté. Ensuite, il s’agit d’un engagement à promouvoir et valoriser la significative contribution de TOYA dans les stratégies et batailles qui ont amené à l'Indépendance d’Haïti. Contribution qui malheureusement est occultée par les historiens de notre pays et d’ailleurs qui racontent une histoire au masculin. C’est comme si les esclaves femmes étaient des spectatrices du mouvement de liberté qui bouillonnait dans la colonie. C’est une faute historique grave qui doit être adressée pour rétablir la vérité sur la participation active des femmes dans toutes les étapes du processus qui a débouché sur 1804.
Pourquoi selon-vous l’histoire de TOYA devrait être racontée aux petites filles ?
La nécessité de raconter l’histoire de TOYA aux petites filles participent du besoin d’exposer la jeune génération féminine à des modèles de leadership positif comme celle de TOYA. Car de telles initiatives sont capables de les aider à rêver, à se projeter et à s’ouvrir à leur communauté de vie et au monde. Notre société a trop longtemps, par choix, élevé nos petites filles dans des clichés qui résument l’image des femmes à la fragilité, à l’impuissance, à la dépendance, … Le déficit de représentativité des femmes dans l’histoire et dans les espaces de visibilité ne permettent aux femmes dans leur jeune âge d’identifier des modèles de femmes inspirantes devant les guider dans leurs choix socio-professionnels, politiques, etc. Raconter l’histoire de TOYA permettra aux petites filles de comprendre contrairement à ce qu’elles ont accès dans les livres d’histoire que les femmes ont entre autres participé activement dans la libération et la construction de cette terre. C’est aussi leur transmettre des valeurs liées au courage, à l’amitié, à la bravoure, au travail collectif et de saisir les rapports sociaux de sexe sous l’angle des discriminations sociales et historiques impactant le devenir des filles et des femmes. Au-delà de ce travail que fait Fondation TOYA, il importe de faire un plaidoyer pour une plus grande visibilité de la contribution des femmes dans l’histoire et dans toutes les sphères de développement afin que les filles et les garçons de notre pays puissent avoir accès à la riche contribution des femmes dans toutes les sphères de la vie nationale. Cela ne peut pas se faire sans une prise de conscience collective et d’engagement de la société civile et des autorités des gouvernements à travers une relecture du passé et des initiatives visant à réécrire l’histoire d’Haïti.
Que représente selon vous la figure de TOYA dans l’histoire d’Haïti ?